Riches et pauvres
Riches et pauvres
Wren, Jacob  
Bernard, Christophe (Traduit par) 
  • Éditeur : Quartanier (Le)
  • Collection : Série QR
  • EAN : 9782896986019
  • Code Dimedia : 000245950
  • Format : Livre numérique EPUB
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature canadienne, Littérature québécoise
  • Prix : 18,99 $
  • Paru le 30 avril 2024
  • Statut : Disponible
  • Code de recherche: RICPAU
  • Groupe: Romans
  • Date de l'office: 24 avril 2024
  • Langue d'origine: anglais
EAN: 9782896986019

Aussi disponible en version numérique:

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ARGUMENTAIRE À USAGE INTERNE SEULEMENT, NE PAS DIFFUSER.

« Les pauvres doivent tuer les riches, un par un, chaque fois que l’occasion se présente. Un homme en tue un autre et le message est clair : votre richesse est cruelle et révoltante. »
 
C’est l’histoire d’un homme qui décide d’assassiner un milliardaire pour des raisons politiques : il a renoncé à son art – il se destinait à une carrière de pianiste classique – et gagne sa vie comme plongeur, obsédé par sa future victime, qu’il tient responsable de sa situation et de bien d’autres maux. Et c’est l’histoire d’un self-made man, PDG d’une multinationale : il a trahi son confident et meilleur ami, celui qui se chargeait de ses basses œuvres, et il se sent de plus en plus isolé, gagné par la paranoïa.
 
Riches et pauvres est un roman sur notre impuissance à changer le monde, et sur la possibilité, essayant quand même, de découvrir comment y arriver. Une fable où se mêlent ambition, impunité, idéalisme et violence révolutionnaire – la parabole amusée d’une lutte des classes livrée à l’entropie, joyeuse et sombre mais remplie d’espoir.
 
Originellement paru en anglais en 2016, ce roman est le premier de trois de Jacob Wren qui paraîtront en français au Quartanier.

***


« De la politique-fiction dans ce qu’elle a de plus tranchant »
— Ian McGillis, Montreal Gazette
 
« Une œuvre qui relève autant d’une réflexion sur les inégalités économiques que d’un récit à suspense »
— Jeff Miller, Montreal Review of Books
 
« Riches et pauvres nous rappelle que l’art peut être une forme de résistance, et notre amour, révolutionnaire. »
— Jade Colbert, The Globe and Mail
 
« Le nouveau roman de Wren, Riches et pauvres, est bien plus qu’une critique du capitalisme et des entreprises obsédées par le profit. C’est une parabole qui interroge la culture d’entreprise – la façon dont elle nous rend calculateurs, cyniques et, en fin de compte, interchangeables. »
— The Toronto Star
 
« Tout ce que touche Jacob Wren m’intéresse et m’enthousiasme. Son attitude est à la fois complexe et innocente. C’est une sorte de vieux sage et un amoureux au cœur tendre. Avec ses idées vives, ses jeux de langage, le sérieux et l’absurde qu’il nous sert dans la même assiette, Wren me remonte le moral, intellectuel et autre. Savoir qu’il écrit avec autant de beauté dans ce monde triste et fou est une chose merveilleuse. »
— Lynne Tillman
 
« Riches et pauvres est une lecture essentielle et vivifiante, surtout à l’heure où des millions d’Américains dans le besoin arrivent à se convaincre qu’un homme riche est leur défenseur. »
— Ian McGillis, Montreal Gazette
 
« Stoïque et pourtant provocant, Riches et pauvres plonge le lecteur dans l’inconscient du militantisme, de la politique, des affaires et de leur imbrication. »
— Librairie Drawn and Quaterly

AUTEUR(S)

BIOGRAPHIE À USAGE INTERNE SEULEMENT, NE PAS DIFFUSER.
Né en 1971 à Jérusalem, Jacob Wren est écrivain, metteur en scène et artiste de la performance. Il a publié sept livres chez divers éditeurs canadiens. Il vit à Montréal depuis 2002, où il est directeur artistique du collectif interdisciplinaire pme-art, dont le travail a été présenté dans près de vingt pays, partout sur la planète. Riches et pauvres est son premier roman à paraître en français, après deux livres de fictions brèves, Le génie des autres (2007) et La famille se crée en copulant (2008), également parus au Quartanier dans une traduction de Christophe Bernard, et qui sont ressortis en 2023 dans des éditions revues et corrigées.

Originaire de Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, Christophe Bernard est traducteur et romancier. Il a notamment traduit Jacob Wren, Tony Burgess, Pasha Malla, Pik-Shuen Fung et Yann Martel. Il est l’auteur d’un premier roman, La bête creuse (Le Quartanier, 2017), qui a remporté le Prix des libraires du Québec, le prix Québec-Ontario et le prix Jovette-Bernier, en plus d’avoir été finaliste aux prix littéraires du Gouverneur général. Il vit à Burlington, au Vermont.

Commentaire commercial, NE PAS DIFFUSER.

Livres de Jacob Wren

  • Unrehearsed Beauty, Toronto, Coach House Books, 1998 ; Le génie des autres, traduit de l’anglais par Christophe Bernard et Éric de Larochellière, Le Quartanier, 2007.
  • Families Are Formed Through Copulation, St. John’s, Pedlar Press, 2007; La famille se crée en copulant, traduit de l’anglais par Christophe Bernard, Montréal, Le Quartanier, 2008.
  • Revenge Fantasies of the Politically Dispossessed, St. John’s, Pedlar Press, 2010.
  • Polyamorous Love Song, Montréal, Book*hug, 2014.
  • Rich and Poor, Montréal, Book*hug, 2016; Riches et pauvres, traduit de l’anglais par Christophe Bernard, Montréal, Le Quartanier, 2024.
  • Authenticity Is a Feeling: My Life in PME-ART, Montréal, Book*hug, 2018.
 
Présentation détaillée du livre
 
Deux voix se relaient dans Riches et pauvres, deux « je » qui racontent leur histoire, réfléchissent, développent leur vision du monde : il y a le riche et il y a le pauvre. Le second ne l’a pas toujours été, non plus que le premier. Le riche ne se prive pas de le rappeler, lui qui raconte son ascension fulgurante dans une autobiographie que s’empresse d’acheter et de lire le pauvre à sa parution, surmontant sa répulsion pour le personnage. Car c’est à ce riche précisément que le pauvre doit sa pauvreté. Il se destinait à une carrière de pianiste de concert, le voici plongeur dans un restaurant, se nourrissant deux fois par jour de riz et d’un minimum de viande ou de lentilles. Mais qu’importent les conditions matérielles de l’existence quand un objectif nous tient lieu de raison de vivre : pour le pauvre, ce sera de tuer le riche ; il l’étranglera avec une corde de piano.
 
Le riche se présente quant à lui comme un pdg combattant sur tous les fronts. Une multinationale se manœuvre avec habileté et culot. Pour retourner à son seul profit chaque difficulté qui se présente, le riche a appris à soudoyer ses adversaires, à s’assurer la fidélité de ses employés par quelques remarques attentionnées ou drôles, celle des collaborateurs par des provocations qui sonnent comme des défis. Face au monde entier, actionnaires, consommateurs et gouvernements, il se donne en toute circonstance l’air irréprochable alors qu’il se sait amoral, présente ses échecs comme s’ils étaient des succès, fait passer les effets désastreux de l’industrie ou des ogm pour un risque nécessaire. Heureusement que l’argent peut tout acheter : les rivaux, les États, l’opinion… Quant aux pratiques illégales de l’entreprise, la stratégie est de créer chaque fois une situation où le responsable sera toujours quelqu’un d’autre, de sorte que personne en particulier ne soit imputable, et, si c’est impossible, d’oser sacrifier un coupable désigné. C’est ainsi que le riche a laissé le brillant avocat Emett porter le chapeau d’une malversation. Emett était aussi son ami, son unique ami peut-être, car le riche est seul, bien qu’entouré de subalternes, de faux amis et d’ennemis. Et le fait qu’il parle souvent au « nous » – au nom de son entreprise – n’y change rien. Le pauvre aussi est complètement isolé, au travail comme dans la vie. Il a beau envisager l’assassinat qu’il prépare comme un geste politique, un bienfait public et un exemple que d’autres suivront, espère-t-il, son obsession a les allures d’une vengeance personnelle. Le pauvre livrera au riche un combat d’homme à homme, un combat voué à l’échec pour cette raison même sans doute, mais il ne le sait pas encore. Par hasard, le pauvre a précédemment rencontré Emett, et les deux se sont liés, sinon d’amitié, du moins sur la base d’une haine commune. Le pauvre n’a pas osé parler de la corde de piano à Emett, et, quand la tentative d’assassinat échoue, l’avocat entre dans une rage noire ; lui aussi avait son plan pour faire tomber le riche.
 
La deuxième partie du livre nous montre le riche et le pauvre déstabilisés par l’assassinat raté. Le premier fait le tour de ses filiales aux quatre coins de la planète, découvre plus d’insubordination et de grèves qu’il ne s’y attendait. Le second s’est replié aux abords de la ville, où il fait la connaissance de travailleurs immigrés temporaires, des journaliers qui se ruent chaque matin vers des cars conduits par des contremaîtres, dans l’espoir d’être embauchés comme cueilleurs contre un salaire de misère. Petit à petit, le pauvre se rapproche d’eux, et, découvrant que les récoltes sont toutes destinées aux entreprises du riche, se prend à rêver d’insurrection, d’organisation syndicale, de dignité humaine recouvrée. À la bibliothèque, il lit sur les révolutions, se remet au piano, jouant des mélodies très anciennes et enfouies dans son passé ; dans les champs, il écoute les doléances et les espoirs, organise la mobilisation et réapprend la langue de son enfance. Bien entendu, rien de tout cela ne passe inaperçu, et la riposte sera violente.
 
Artiste, performeur et écrivain, Jacob Wren est l’auteur de sept livres, dont les fictions brèves Le génie des autres et La famille se crée en copulant, qui viennent de reparaître en français au Quartanier dans des éditions revues et corrigées. Si Riches et pauvres est son troisième roman – le premier traduit en français –, nulle trace de « roman romanesque » ici, nulle trace de réalisme, auquel Wren, de toute façon, ne croit pas. Le ton serait plutôt celui de la fable, voire de l’expérience de pensée : nous évoluons dans les pensées d’un riche et d’un pauvre qui s’opposent sur un mode proche de la caricature (Emmett, toujours vu de l’extérieur et à mi-chemin entre ces deux protagonistes, est quant à lui un personnage plutôt inquiétant). Le texte paraît friser l’outrance, mais il ne fait que mimer le capitalisme, qui élève au rang de leçon de vie des façons de faire franchement immorales. L’époque n’est plus aux grands dilemmes éthiques mis en scène dans Billy Budd ou chez Dostoïevski : le riche a sacrifié son meilleur ami sans aucun état d’âme, le pauvre veut tuer son pire ennemi de la même manière. Nous adhérons facilement à la deuxième proposition, mais pas à la première. C’est que les riches semblent intouchables, inaccessibles à la justice, eux n’auront jamais de comptes à rendre, eux ne tomberont jamais. Que se serait-il passé si le pauvre avait réussi à tuer le riche ? Sans doute n’aurions-nous pas assisté à ce que raconte le roman, l’ébranlement du riche, sa perte de confiance discrète mais bien réelle. Pour sa part, le pauvre ne serait pas allé à la rencontre de la vraie pauvreté, structurelle, celle des populations exploitées de génération en génération. C’est ici que la brèche s’ouvre, et que la rencontre – brutale – entre deux positions sociales radicalement opposées aura peut-être lieu.
 
Depuis ses premiers livres, Jacob Wren se sert de la littérature, de l’écriture de fiction et des codes du théâtre, pour mener une réflexion autour du libéralisme économique et de la révolte, et se demander de diverses manières comment il est moralement possible de vivre dans un monde dévasté par l’impérialisme américain, l’accumulation du capital et le contrôle des populations. De ce constat pessimiste, il tire des textes où l’humour et l’absurde viennent heureusement contrebalancer la réalité, par le pouvoir de la littérature. Riches et pauvres n’est pas en reste, on rira (jaune) en lisant la mascarade que sont les réunions d’actionnaires, ou que le succès des rendez-vous de travail repose sur le café ultra corsé que le riche sert à ses cadres. Avant de rencontrer les ouvriers agricoles, le pauvre aussi est un peu ridicule, tiraillé entre son envie de comprendre et d’approcher au plus près son ennemi, et le dégoût qu’il lui inspire. En guise de conclusion, citons cette phrase du riche, symptomatique de l’ironie de l’auteur : « Ayant passé l’essentiel de ma vie à chercher à gagner le plus d’argent possible, je crois qu’il est bon pour nous d’être associés de près à une activité où il est absolument impossible de gagner le moindre sou ». Le riche parle ici de… la poésie. Il a en effet mis sur pied une fondation qui s’occupe d’un prix littéraire soi-disant prestigieux, couronnant chaque année un livre de poésie et un poète établi. Quand on connaît l’œuvre de Wren, il est difficile de ne pas y lire une critique, une dénonciation amusée, de ce fantasme de succès, de distinction et de réussite qu’incarnent les prix littéraires, aux antipodes du geste de refus – refus du statu quo, du pouvoir, des compromis et du consensus – qui se trouve à la base de toute œuvre radicale.


ÉCHOS DE LA PRESSE
 
« Riches et pauvres inspiré par le mouvement Occupy »
Entretien avec Jacob Wren, par Melita Kuburas
Toronto Star (2016)
 
« Ma chambre d’amis sert à financer mes expéditions », déclare Jeff, un aventurier du plein air, sur un panneau publicitaire au pied de la rue Young, à Toronto. Cette publicité fait partie de la première campagne d’envergure menée au Canada par Airbnb, au moment où les entreprises soi-disant disruptrices s’implantent ici.
 
Alors que de soi-disant jeunes entrepreneurs ambitieux la louangent, parce qu’elle permettrait à tous de se lancer en affaires, l’auteur Jacob Wren voit l’économie de partage comme une forme troublante de « capitalisme sur les stéroïdes », qui nous force à monnayer tous les aspects de nos vies – nos maisons, nos autos et nos amitiés.
 
« Avant, on pouvait simplement vivre dans sa maison, mais aujourd’hui, si on veut survivre, on doit la louer chaque fois qu’on part », dit Wren, quarante-quatre ans, qui habite à Montréal.
 
Son nouveau roman, Riches et pauvres, est bien plus qu’une critique du capitalisme et des entreprises obsédées par le profit.
 
C’est une parabole qui interroge la culture d’entreprise – la façon dont elle nous rend calculateurs, cyniques et, en fin de compte, interchangeables. Même le pdg milliardaire le sait : « peu importe à quel point je suis talentueux, qualifié ou indispensable, il y en a toujours un autre qui peut faire le boulot. »
 
Inspiré par le discours qu’aura initié le mouvement Occupy, Wren dit s’intéresser au débat que suscitent la contestation populaire et, plus récemment, les Panama Papers.
 
« Je me rappelle que, quand je discutais avec des amis qui ne sont pas particulièrement de gauche, avant Occupy, dit Wren, ils me disaient tous d’arrêter de les soûler avec le capitalisme, que plus personne ne parlait de ça de nos jours ».
 
« À mesure qu’Occupy soulevait des questions de richesse et d’inégalités dans l’opinion publique, créait de nouveaux termes, comme “le un pour cent”, tout à coup les mêmes personnes étaient prêtes à en parler, à réfléchir au capitalisme et à tout cet argent qui s’accumule dans des comptes off-shore. »
 
Wren soutient que ce sont des enjeux importants pour sa génération, dont on sait qu’elle a moins d’argent et de débouchés que la génération de ses parents.
 
Les deux narrateurs ne sont désignés que comme No 1 – le milliardaire – et No 2, un pianiste de talent qui gagne désormais sa vie en lavant la vaisselle.
 
No 2 se sent trahi par la vie et cherche à se venger et il en vient à la conclusion que « Les pauvres doivent tuer les riches, un à la fois, à chaque fois que l’occasion se présente. » Il veut étrangler No 1 avec une corde de piano, en espérant que d’autres suivront son exemple.
 
Wren a lu des livres d’entrepreneuriat et des biographies de pdg à succès pour construire le personnage de No 1, dirigeant brillant qui mémorise les noms de ses employés et témoigne d’une franchise inhabituelle quant aux irrégularités de sa compagnie.
 
Il dit que c’était un plaisir d’écrire depuis cette perspective, même s’il admet qu’il n’est pas possible de reconnaître dans son personnage un individu en particulier, réel ou issu de la culture populaire.
 
« Je ne crois pas que les vrais capitalistes penseront que je les ai dépeints avec justesse », dit Wren. « C’est une représentation très partiale, ludique et moqueuse, de ce genre de personnage, de figure plus grande que nature, qui se réjouit d’être capitaliste tout en voulant bien reconnaître les problèmes que ça implique ».
 
À plus d’un égard, dit Wren, Riches et pauvres parodie le type du méchant capitaliste.
 
À titre d’exemple, No 1 envisage de trouver une nouvelle « femme-trophée », mais estime qu’à son âge, ce serait de mauvais goût. Il opte plutôt pour une prostituée, puisqu’il voit la « stricte transaction financière » comme « la méthode la plus propre et efficace pour satisfaire à ses désirs et besoins. »
 
S’il existe des similarités entre les deux narrateurs, elles réside dans leur difficulté à entretenir des relations interpersonnelles et dans leur conception dysfonctionnelle de l’amitié.
 
No 2 définit un ami comme quelqu’un capable de « nous trahir plus brutalement, plus douloureusement que n’importe qui d’autre au monde. » Pour cette raison, il cherche des imitateurs, pas des amis.
 
Pendant ce temps, No 1 poignarde son meilleur ami dans le dos pour sauver sa propre peau.
 
« En quelque sorte, dit Wren, c’est la ruse capitaliste par excellence – trahir les gens les proches de soi pour garder son argent ».
 
***
 
« Occuper la littérature »
Entretien avec Jacob Wren, par Jeff Miller
Montreal Review of Books (2016)
 
« Le réalisme, je ne peux pas. Je veux dire, c’est un mensonge », dit Jacob Wren avec un rire dans la voix. Assis en face de moi dans un café du Mile-Ex, le prolifique romancier et artiste de la performance poursuit, « un livre, ce n’est pas la réalité. La réalité n’est même pas la réalité ».
 
La discussion sur son nouveau roman est bien entamée, et c’est le dernier aphorisme qu’il a trouvé pour expliquer le processus créatif derrière l’écriture de Riches et pauvres, une œuvre qui relève autant d’une réflexion sur les inégalités économiques que d’un récit à suspense. Nous parlons du défi d’écrire un roman politique contemporain, alors que la politique-fiction a longtemps été dominée par les allégories dystopiques et le réalisme didactique.
 
« Ces deux choses m’intéressent », me dit Wren, et on pourrait bien sûr considérer que Riches et pauvres puise aux deux traditions, mais c’est aussi complètement autre chose. Wren rejette le réalisme autant que la dystopie et sa morosité. « Je suis fondamentalement désespéré », dit-il, « mais je ne veux pas écrire des livres sans espoir. Un livre est un fantasme, tout peut arriver. Je cherche des possibles. » Son but, me dit-il, était d’écrire un roman politique contemporain « qui n’est pas condescendant envers le lecteur, qui est agréable à livre, impossible à lâcher, mais demeure expérimental. »
 
Wren a plus qu’atteint cet objectif. Roman politique pour notre époque, Riches et pauvres dissèque les disparités entre les citoyens les plus riches du monde et tous les autres. Écrit dans une prose limpide, sans fioritures, ce livre est une parabole actuelle qui offre des réflexions inspirées sur le capitalisme, les inégalités et le potentiel transformateur de la justice sociale.
 
Le roman suit deux hommes qui ne seront pas nommés, le pdg milliardaire d’une multinationale et le plongeur sans le sou qui projette de le tuer. La structure narrative fait alterner, par courtes sections, ces deux narrateurs à la première personne, ce qui permet à Wren d’imaginer deux points de vue très différents sur le monde contemporain.
 
Le riche est irrévérencieux, nous livrant ses « vérités » sur la corruption du monde des affaires et confesse sans remords les tactiques déloyales qu’il a utilisées pour réussir, dont la violence et la trahison. Le pauvre est un fils d’immigrants, ancien pianiste de concert ayant abandonné la musique. Contrairement aux opinions du riche, qui sont grandiloquentes et formulées sans empressement, les pensées du pauvre sont hachurées et souvent engourdies par l’épuisement occasionné par le travail manuel. Sa narration, honnête et directe, touche le lecteur et constitue le noyau sensible du roman.
 
Les deux narrateurs prennent des questions politiques à bras le corps, et leurs réflexions aphoristiques sur les classes, le travail, le monopole, la responsabilité individuelle et la violence émaillent le roman. Riches et pauvres regorge d’observations lucides sur le capitalisme de ce début du xxie siècle, mais il est tout aussi éloquent sur les enjeux politiques d’ordre privé, comme l’amitié, la dignité et les consolations de l’art. L’idée d’entrelacer les grands enjeux avec les plus petits est centrale au projet expérimental du roman, qui cherche au bout du compte à interroger le sens du politique sous le capitalisme tardif.
 
La tension s’accroît quand le pauvre réussit à s’immiscer dans l’entreprise du milliardaire, ce qui mène au violent face-à-face qui changera leurs vies. La deuxième partie du roman présente les conséquences de cette rencontre, plus particulièrement le rôle qui échoit inopinément au pauvre, à titre de syndicaliste au sein d’un groupe d’ouvriers agricoles immigrants. L’une des grandes réussites de Wren dans Riches et pauvres est sa description évocatrice du pouvoir transformateur que libère la mise sur pied d’un mouvement voué à la justice sociale, par opposition à l’isolement qui accompagne la poursuite obstinée de la vengeance. Alors que son plan pour tuer un riche l’avait maintenu dans la solitude et la rage, le travail syndical met le pauvre en relation avec d’autres gens, avec de nouvelles idées et même, à la fin, avec la musique qu’il avait abandonnée. La transformation des travailleurs individuels en une force politique aux objectifs communs est rendue de façon émouvante lors d’une réunion syndicale où les travailleurs sont invités à parler de leurs espoirs. « Ça pouvait être n’importe quoi », dit le pauvre, « mais, si nous nous écoutions les uns les autres, nous nous rappellerions plus tard, dans les moments où nous perdrions la foi ou la volonté d’aller de l’avant, ce que les autres avaient dit. » Les déclarations des travailleurs, ensuite, appellent à la dignité, au respect, et à un monde plus juste.
 
Quelques semaines avant que Riches et pauvres ne soit publié, une fuite majeure venant de Mossack Fonseca, un cabinet d’avocats panaméen, a donné au monde une idée des immenses fortunes mises à l’abri dans les paradis fiscaux. Wren me dit que l’inspiration de son roman lui est venue d’un autre moment où les politiques de l’iniquité faisaient les manchettes : « Les semaines où j’ai commencé à écrire sont les semaines où j’ai commencé à entendre parler d’Occupy Wall Street et à lire Dette : 5000 ans d’histoire, de David Graeber. Je me demandais vraiment quel genre de roman sortirait de tout ça. »
 
Les questions politiques étaient aussi au premier plan des trois précédents romans de Wren, La famille se crée en copulant, Revenge Fantasies of the Politically Dispossessed et Polyamorous Love Song. Pour Wren, le défi de l’écriture a toujours en partie été d’intégrer des thèmes politiques à ce qu’il appelle une « tradition d’avant-garde souvent apolitique », à laquelle il s’identifie. Les influences de Wren incluent le catalogue interdisciplinaire de la maison d’édition américaine Semiotext(e) et les romans d’artistes vendus chez Art Metropole, une galerie d’art autogérée de Toronto dont le mandat est centré sur le livre. « Comme écrivain », admet-il, « j’ai souvent été plus inspiré par l’écriture qui émane des arts visuels que par la littérature, qui me semble souvent un peu vieux jeu. »
 
Le travail de Wren touche à divers domaines ; ses livres ne sont qu’une partie d’une pratique plus large. Il s’est établi à Montréal en 2000 pour se joindre au groupe multidisciplinaire PME-ART, qui se produit à l’international et dont le travail se concentre sur des performances conceptuelles et éphémères. Même si son œuvre romanesque et sa pratique d’artiste de la performance ont émergé séparément, elles se recoupent de façon intéressante ; des éléments comme le récit, la narration et la transcription se retrouvent fréquemment dans les performances de PME-ART.
 
Dans The DJ Who Gave Too Much Information, l’une des performances régulières du groupe, les membres racontent des histoires et font jouer de la musique à tour de rôle. L’expérience rappelle un peu la visite qu’on rendrait à un ami qui a de bons goûts musicaux et l’envie pressante de partager sa collection. La performance Adventures can be found anywhere, même dans la mélancolie, créée en 2014, remettait explicitement en question les frontières de l’art et de la littérature ; à la Galerie Leonard & Bina Ellen, durant plusieurs jours, le groupe a « réécrit » un livre de l’écrivain portugais Fernando Pessoa, en le transcrivant et en l’enrichissant au fur et à mesure.
 
À y repenser, Wren explique que le projet sur Pessoa est né de la recherche d’une « manière joueuse, ouverte et vivante » de montrer pour l’écrivain un plus grand respect en lui manquant de respect. « C’est ce que je tente de faire quand j’écris mes propres livres », dit-il, revenant comme si de rien n’était à son travail d’écrivain. Il poursuit : « J’essaie d’écrire d’une manière très joueuse, immédiate, stimulante, en prenant cela au sérieux, bien sûr, mais j’essaie aussi de ne pas me prendre au sérieux, et de mettre au jour ce qu’il y a de vivant dans l’écriture. »
 
Chercher ce qu’il y a de vivant. Des possibles. De l’espoir. Avec son intrigue captivante et ses analyses politiques pointues, Riches et pauvres se met en quête des possibilités qui existent dans notre monde d’inégalités. Wren les trouve dans la création de communautés, la solidarité, la résistance et l’art. Au moment où s’achève le roman, la victoire du syndicat est loin d’être assurée, mais le pauvre, qui avait tourné le dos à la musique, chante de nouveau, et fort.
 
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Ian McGillis
Montreal Gazette, 23 décembre 2016
 
Riches et pauvres, de Jacob Wren, est de la politique-fiction dans ce qu’elle a de plus tranchant. Un aspirant pianiste de concert, réduit à travailler au noir comme plongeur, devient obsédé par l’idée de se venger violemment de l’homme qu’il considère comme responsable de sa misère : un oligarque milliardaire qui, entre autres choses, prend son pied à regarder des enfants se battre.
 
La narration à la première personne passe d’un protagoniste à l’autre, procédé qui met en lumière de manière éclatante le fossé qui sépare le 1 % des 99 %. Entre des mains moins habiles, ç’aurait pu être une allégorie bancale mais, comme les deux voix sont également captivantes, on obtient une sorte de thriller intellectuel.
 
Riches et pauvres est une lecture essentielle et vivifiante, surtout à l’heure où des millions d’Américains dans le besoin arrivent à se convaincre qu’un homme riche est leur défenseur.
 
 
« Les livres de l’année 2016 parus chez les indépendants »
Jade Colbert, The Globe and Mail
 
Le roman de Wren s’ouvre sur un homme pauvre qui planifie de tuer un homme riche, mais vers la moitié du livre les choses tournent au vinaigre et une violence plus grande se révèle – la brutalité du système économique. Riches et pauvres nous rappelle que l’art peut être une forme de résistance, et notre amour, révolutionnaire.
 
 
« Le livre de la semaine de la Librairie Drawn & Quarterly »
Largehearted boy, 14 mai 2016
 
Le toujours ingénieux Jacob Wren nous revient avec un nouveau roman saisissant, sur un pianiste immigrant devenu plongeur qui décide de déclencher une révolution en tuant un milliardaire. Passant du point de vue du plongeur à celui du milliardaire, Wren écrit sur les contradictions troublantes du capitalisme. Il écrit sur des désirs incompatibles – celui de changer radicalement le monde et celui de maintenir le statu quo par appât du gain. Stoïque et pourtant provocant, Riches et pauvres plonge le lecteur dans l’inconscient du militantisme, de la politique, des affaires et de leur imbrication.
 
 
« Riches et pauvres, un roman sur la lutte des classes et la remise en question »
Richard Derus
Expendable Mudge Muses Aloud, 22 juin 2016
 
Riches et pauvres est l’une des rares fictions littéraires qui abordent la psychologie de la politique d’une manière aussi décalée, inattendue et déconcertante. Dans la veine des œuvres qui se concentrent sur « l’intime comme politique » (comme Dans la fureur du monde de Chris Kraus et Les détectives sauvages de Roberto Bolaño), Riches et pauvres, avec son rythme haletant, est une lecture fascinante et énergisante, pour des lecteurs en quête d’aventures qui s’intéressent ou prennent part aux débats politiques et refusent de rester sagement à leur place, de joueur leur rôle parmi les quatre-vingt-dix-neuf pour cent.
 
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Mots clés : anticapitalisme; assassinat politique; capitalisme tardif; idéalisme; immigration; inégalités économiques; justice sociale; lutte des classes; politique-fiction; résistance; syndicalisme; théorie




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