
Paul-Émile Borduas
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Portrait d’un peintre visionnaire qui a marqué l’art et la culture du Québec.
Le nom de Paul-Émile Borduas demeurera à jamais associé au Refus global, ce pamphlet revendicateur qui allait faire trembler le Québec conservateur de l’après-guerre alors sous la gouverne de Maurice Duplessis.
Ironiquement, Borduas mourra à Paris en février 1960, juste au moment où le Québec allait enfin sortir de sa noirceur. C’est comme si le manifeste des Automatistes de 1948 avait enfin porté ses fruits. Mais ce serait injuste et inexact de réduire Borduas à ce cri de révolte, même s’il aura payé très cher cette audace, dans un Québec obscurantiste régi par le clergé et la morale des bien-pensants.
Né au début du XXe siècle, dans une famille catholique, et formé à l’art religieux par Ozias Leduc, il n’aura cessé de chercher, de se réinventer, de briser les codes, d’épurer sa démarche. Ce parcours le conduira vers l’abstraction. Véritable chef de file de l’automatisme au Québec, il aura servi d’inspiration à toute une génération de peintres : Riopelle, Mousseau, Ferron, Barbeau, Sullivan, pour ne nommer que ceux-là.
La vie de Borduas sera parsemée d’embûches. Forcé de quitter le Québec au début des années 50, il ne trouvera son eldorado ni à New York ni à Paris. Paris, qu’il avait tant magnifiée, sera pour lui une amère déception tant au point de vue personnel que professionnel. Personnage complexe, Borduas aura toujours été tiraillé entre sa vie de famille, brisée à la suite du Refus global, et sa vie d’artiste.
Voici donc un portrait de Borduas en 30 tableaux où s’entremêlent la vie et l’œuvre de cet artiste visionnaire. C’est un portrait forcément incomplet, parfois même un peu fantasmé.
Après avoir étudié en journalisme et communication, Jules Richard a travaillé dans le domaine de l’information, notamment à Radio-Canada comme documentaliste au service de l’information. Il a par la suite fait carrière dans l’enseignement de la communication à l’Université de Montréal et à l’École de technologie supérieure (ETS) jusqu’en 2018. Il a publié trois ouvrages à compte d’auteur chez BouquinBec : 1566 jours / journal de guerre (2021), L’ours qui tournait les pages et autres petites choses (2022) et Cœurs et autres bluettes (2024) ainsi que Communication technique et scientifique (1996 et 2012) chez les Éditions CEC.
« Il peint toute la journée. De façon presque compulsive. Comme s’il sentait que son temps était compté.
Les journées sont courtes au mois de février. L’atelier n’est pas très bien chauffé. Il s’en est plaint à sa concierge qui ne peut rien faire d’autre que de lui apporter un bol de café chaud. Il maudit le manque de confort des logements parisiens. Même s’il fait peut-être moins vingt-cinq à Mont Saint-Hilaire aujourd’hui, on est sûrement plus confortable qu’ici, grommelle-t-il.
Son atelier est situé dans une rue tranquille à sens unique : la rue Rousselet, presque une enclave, mesure à peine 500 mètres, entre la rue de Sèvres et la rue Oudinot au cœur du 7e arrondissement qui jouxte le Quartier latin, à deux minutes du métro Sèvres-Babylone. Un long mur longe la rue Rousselet, dissimulant le jardin d’une ancienne institution religieuse. C’est un quartier animé, tout près du Bon Marché Rive Gauche et du Lutéia, le grand hôtel parisien, boulevard Raspail, construit en 1910, réquisitionné par la Gestapo pour en faire son quartier général pendant l’Occupation.
Mais, Borduas s’ennuie à Paris. Les toiles s’empilent dans son atelier trop petit. Des toiles qu’il préfèrerait voir accrochées dans une galerie quelque part ici ou à New-York. Parfois, il regrette d’avoir quitté New-York pour Paris. "Quand j’étais à New-York, je me sentais plus européen alors que maintenant que je suis ici, à Paris, je me sens de plus en plus nord-américain" écrira-t-il dans son journal. Il avait pourtant commencé à nouer des contacts là-bas. Son désir latent de tenter de percer à Paris jouera dans sa décision. Il aime New-York, mais sa difficulté à s’exprimer en anglais l’avait empêché de s’épanouir pleinement là-bas. »
– Jules Richard
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