Bouche ouverte de mon père (La)
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Ta bouche s’est ouverte peu à peu, le cercle devenait de plus en plus parfait, tes lèvres disparaissant vers l’intérieur, tes lèvres foncées réduites à un tracé, une figure géométrique autour de laquelle irradiait le silence. Les rides de ton front détendu ont coulé vers le lobe de tes oreilles. La résidente est venue plus tard, à cinq heures trente-six. Un peu étonnée, elle a soulevé ta paupière pour éclairer ton œil avec la lumière de son téléphone et elle est repartie rédiger son rapport. D’autres sont venus pour déplier ton corps, le repositionner sur le dos, joindre tes mains sur ton abdomen, remonter le drap bleu pâle jusqu’à tes clavicules en lissant soigneusement l’ourlet. Je suis restée avec toi. Vers neuf heures moins quart, l’infirmier m’a aidée à te retirer ta veste, que j’ai enfilée. J’ai bu ton café froid et mangé le reste de ton muffin. Je prendrais ton nom, Harry Horace.
Harry Horace est née un matin ensoleillé de l’an deux mille vingt-trois dans l’antichambre d’un crématorium. La température extérieure indiquait quinze degrés Celsius avec un maximum prévu de vingt-six, tandis que l’intérieur du four atteindrait un peu plus de mille degrés. Sous le nom Sophie Bélair Clément, elle a fait paraître au Quartanier en 2020 Tandis que la fleur d’une hydrangée posée sur le sous-main en cuir résiste à la décoloration, signé des expositions, publié dans Mœbius, Intermédialités et aux Éditions les petits carnets, et enseigne à l’École des arts et cultures de l’Université du Québec en Outaouais.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
