
Poème du Chili [édition bilingue]
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Livre unique dans la poésie sud-américaine, Poème du Chili raconte la traversée du Chili par trois personnages : le fantôme de Gabriela Mistral revenu sur terre, un jeune enfant indien orphelin, et un huemul, petit cerf qui est un animal emblématique chilien. Arpentant ce pays du nord au sud, les trois compagnons vont cheminer ensemble, à travers les déserts du nord et la vallée de l’Elqui d’où est originaire Mistral jusqu’aux paysages glacés de Patagonie et le détroit de Magellan tout au sud. Mistral part à la recherche des mondes perdus et raconte les montagnes de son enfance, son village de Montegrande, les palmeraies, la douceur des vallées. Elle fait découvrir l’océan à l’enfant, lui apprend le nom des herbes, des arbres fruitiers et des fleurs. Elle lui enseigne la beauté et la particularité du vivant : végétaux, minéraux, fleuves, tout est ici profondément animé. C’est un poème de la terre et de la semaison, un voyage olfactif et sensoriel à travers les saveurs de menthe poivrée, de sauge et de thym. À travers la richesse des noms des arbres et des fruits qui s’égrènent d’un poème à l’autre. La traversée se fait ainsi, rythmée par les questions de l’enfant et les cabrioles du cerf dans l’herbe. Nous sommes dans le conte, dans le chant, parfois dans la comptine quand la femme-fantôme essaie d’apaiser l’orphelin, qui souvent a peur des hommes, mais veut se jeter sans appréhension dans le lit des fleuves ou sur les pentes des volcans. C’est la fonction du spectre, revenue sans peines sur la terre pour pousser l’enfant dans la vie, dans le cycle naturel des choses, de la terre et du ciel, comme le verger qui voit sa mort « sans avoir de mal à renaître et à revenir ». Nous sommes dans une légende d’un genre nouveau, « empreinte de douceur et de soin, exempte de héros masculins, de prouesses ou d’événements à forte densité historique et dramatique » comme le souligne Irène Gayraud dans sa préface. Une légende où les orphelins solitaires du début s’adoptent mutuellement. Comme si, prenant sous son aile l’animal, représentant une « sauvagerie » bien moins sauvage que celle des chasseurs, des exploitants de mines, ou des colons blancs, et l’enfant « métis », elle donnait là une vision d’un futur possible pour son pays, empreint de reconnaissance et de compagnonnage : « toutes choses sont mes parentes » dit-elle. Gabriela Mistral a étendu la rédaction de ce livre capital de la poésie chilienne sur les vingt dernières années de sa vie. Publié pour la première fois en 1967, 10 ans après la mort de la poétesse par sa compagne Doris Dana, il ne comportait alors que 71 poèmes. La disparition en 2006 de Doris Dana, et la découverte de plus de vingt-mille pages de manuscrits de Gabriela Mistral, ont permis de compléter Poème du Chili et d’en proposer aujourd’hui une version de plus de 130 poèmes qui s’approche au mieux du projet de son autrice.
Gabriela Mistral (1889-1957) est une poétesse chilienne, Prix Nobel de Littérature en 1945. Elle est le premier écrivain d’Amérique Latine et la toute première femme poète à recevoir cette distinction. Née dans une famille pauvre, abandonnée par le père, d’une vallée rurale du Chili, elle sera institutrice de campagne, avant de devenir une figure de la pédagogie et de l’enseignement dans toute l’Amérique Latine. Elle réforme à la demande du gouvernement mexicain le système scolaire du pays, entre 1922 et 1924, en transformant notamment l’éducation des filles et des enfants des zones rurales. Elle poursuivra ensuite une carrière diplomatique jusqu’à la fin de sa vie, en devenant consul du Chili à Madrid, Lisbonne, Nice, au Brésil, à Los Angeles, Veracruz, Naples ou encore New York. Féministe, lesbienne, Gabriela Mistral détonne à son époque et dans une Amérique latine dont elle ne cesse de combattre et de dénoncer le machisme. Son œuvre poétique s’ouvre avec Desolación, publié en 1922, qui lui offre une notoriété au-delà des frontières de son continent. Viennent ensuite les livres de la maturité, Essart (1938) et Pressoir (1954), puis son chef d’œuvre Poème du Chili (1967), livre-monde entièrement consacré à son pays natal. Elle laisse également de très nombreux écrits en prose, articles de presse, textes de conférences, essais… Porteurs d’une quête à la fois matérielle et spirituelle, ses poèmes disent une intimité rare avec la terre, la matière, les êtres rencontrés, et une acuité presque douloureuse de la vie. Mêlant la mythologie grecque à celles des civilisations de Mésoamérique et aux références bibliques, Gabriela Mistral invente un monde à la croisée des cultures occidentale et d’Amérique latine, à la fois étrange et accueillant | âpre, presque rude, et pourtant rendu familier par sa profonde humanité.
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