Feu le Soleil
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« Est-ce que la certitude de l’inéluctabilité de l’extinction du Soleil serait responsable de notre désensibilisation, de notre indifférence face à toute autre menace d’extinction? »
Après avoir posé cette question, la conférencière s’arrête en réprimant un bâillement. À ce moment précis, tous les auditeurs ont entendu la fameuse mouche voler.
Et n’est-ce pas justement là tout l’art de Suzanne Jacob, celui de nous faire entendre le silence de la fameuse mouche, ou plutôt, de le décoder, de le faire parler pour nous? De faire résonner toutes les voix dont il est tissé? De quoi sont faits tous ces non-dits, qui nous pèsent comme autant de morts qu’on ne peut enterrer parce que c’est l’hiver? À quel prix déduisons-nous que nous ne mourrons pas du même coup et au même instant que notre mère? Pourquoi faut-il que Babette ait Nam pour lui découvrir l’oreille en soulevant son bonnet, quand elle va voir danser Thérèse? Pourquoi est-ce nécessaire de détester Coralie Boulanger pour aimer la grammaire et les mathématiques, la géographie et la biologie?
Suzanne Jacob nous offre ici de petites allégories sur la mort annoncée de notre monde où les réactions viscérales côtoient les phases de lucidité. Éblouissantes de maîtrise, attentives à nos multiples dissimulations, ces nouvelles mettent en scène des personnages qui sont au milieu, juste entre pile et face, entre recto et verso, entre l’envers et l’endroit de leur vie. Par le monologue intérieur ou la conversation vive, ils jettent un doute sur la nécessité de survivre comme espèce.
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