Ligne brisée (La)
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Imaginons un oubli qui ne soit pas un simple revers de la mémoire, mais une modalité de l’agir. Un oubli positif. Un oubli en acte, in præsentia. Peut-on habiter un tel oubli ? Peut-on le mettre en récit ? Si la mémoire est une ligne ininterrompue qui rattache le présent au passé, l’oubli est assurément une ligne brisée, et le tracé qu’il dessine est fait de segments disjoints, d’instants sans continuité, comme dans un labyrinthe.
La ligne brisée traite du labyrinthe en tant que théâtre de l’oubli. Le tracé du labyrinthe suscite, par la multiplication des choix qu’il requiert, la désorientation et la perte de repères. Mais l’oubli de soi n’y est pas qu’un effet superficiel, il en est un trait fondamental, ce que le mythe de Thésée nous enseigne. Au cœur de ce récit se déploie une scène d’une grande portée symbolique : le héros grec se rend dans le labyrinthe pour y tuer le Minotaure. Or, lorsqu’il en émerge victorieux – et les versions traditionnelles du mythe le confirment –, il ne se souvient de rien. Ce qui s’est produit dans le labyrinthe est l’objet d’un effacement radical. La mise à mort du monstre est d’une telle violence qu’elle provoque l’oubli.
La figure du labyrinthe permet ainsi de penser l’oubli et de représenter la désorientation et la violence qui lui sont indissociables. À partir d’un corpus littéraire et cinématographique contemporain (de Paul Auster à David Lynch), La ligne brisée montrera l’importance de cette figure, utilisée dans les œuvres de façon récurrente pour représenter la complexité de notre monde, et la conception du sujet qu’elle implique, aux antipodes du sujet œdipien au cœur même de notre modernité.
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