Pionnier au Québec du genre de la « narrative non-fiction », Jean-Marc Beausoleil se place à mi-chemin entre les postures de l'auteur et du journaliste avec Créole Blues, recueil de témoignages et grand roman choral de la diaspora haïtienne.
 
Les paroles recueillies lors de multiples entretiens avec des immigrants haïtiens de première générations - parmi lesquels on compte des intellectuels connus comme Frantz Voltaire, Stanley Péan et Rodney Saint-Éloi, mais aussi un boxeur, une infirmière passionnée, le premier policier noir de Montréal, une interprète dont le fils s'essaie à l'escrime et bien d'autres - tissent une vaste fresque des Haïtiens au Québec, qui parlent de rêves, d'embûches, de courage, du pays et des multiples sens que ce mot peut revêtir.

« Catalina, voyait le désarroi dans le visage de ces gens qui devaient répondre aux questions du commissaire pour accéder au statut de réfugié. Et le commissaire : 

- Vous me dites que vous êtes parti le premier janvier. Pourquoi vos papiers disent le premier mars?

Mais le bonhomme, mars ou janvier, ça ne veut rien dire pour lui. Il peut réciter les mois de l’année par cœur, mais ne s’en sert jamais dans la vraie vie. C’est un paysan. Il connaît avant la récolte, pendant la récolte et après la récolte. C’est comme ça qu’il faut lui parler. Et c’était à Catalina d’expliquer tout ça. À 27$ de l’heure et pas d’avantages sociaux, même pas de sécurité d’emploi. Elle prenait son courage à deux mains :

- Monsieur, est-ce que ce que tu racontes est arrivé pendant que tu semais la terre ou pas?

Et là, le visage du bonhomme s’illuminait… »

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